Lettre ouverte à Tabac Info Service

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Messieurs,

L’Aiduce (Association Indépendante des Utilisateurs de Cigarette Electronique) est une association loi de 1901 dont l’objectif est de représenter les utilisateurs de cigarette électronique (« vape ») et de défendre leurs libertés tout en faisant la promotion d’une vape responsable. A ce titre, elle est devenue un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics, des acteurs scientifiques et des médias dans la représentation de ces utilisateurs, et un intervenant de premier ordre dans la tenue de conférences, l’établissement de rapports, ou la mise en place de normes relatives à la vape.

C’est ainsi que nous avons pris une part active au Sommet de la Vape qui s’est tenu le 9 mai dernier au CNAM à Paris, en présence notamment de Monsieur Benoît Vallet, directeur général de la santé. A l’occasion de ce sommet appelé à se renouveler et au terme duquel les participants sont convenus d’entretenir des contacts plus suivis et réguliers, nous avons en outre attiré l’attention de Monsieur Vallet sur la nécessité d’une remise à jour de la communication portée par les instances publiques au sujet de la vape, afin de tenir compte de l’évolution des connaissances et des positions des acteurs, et notamment de la reconnaissance de celle-ci comme un outil majeur de réduction des risques dans la lutte contre les méfaits du tabagisme.

Les autorités de santé ne sauraient en effet prétendre faire la promotion d’une politique de réduction des risques tout en conservant un discours retenu, pour ne pas dire parfois anxiogène, sur l’un des principaux outils mis à disposition pour parvenir à leur objectif de baisse sensible du tabagisme en France, quand il apparaît que le potentiel de tels outils devrait, certes avec les précautions d’usage, être au contraire souligné et mis en avant.

A cette occasion, la communication portée sur la vape par Tabac Info Service a notamment été évoquée auprès de Monsieur Vallet.

Il nous semble bien avoir relevé une évolution de votre communication il y a quelques mois, et avons apprécié les mises au point relevées sur votre page : https://www.tabac-info-service.fr/J-arrete-de-fumer/Je-choisis-ma-strategie/La-cigarette-electronique-et-la-sante. Nous nous en félicitons et vous en remercions.

Il apparaît toutefois, sans prétendre vouloir dicter votre politique en la matière, que certains points de nature à entretenir exagérément angoisses, ambiguïtés, ou incompréhensions, subsistent et mériteraient d’être reformulées dans le respect des préoccupations exprimées lors du Sommet de la Vape. Nous souhaitons donc attirer votre attention sur ceux-ci, ainsi que nous l’avions fait en janvier dernier.

Tout d’abord, il nous semble que l’évolution des connaissances sur le mode opératoire de la nicotine en tant que source de dépendance devrait amener à nuancer les propos tenus sur votre page ou à faire du moins un plus large emploi du conditionnel. Non seulement la présence d’autres produits de la combustion des cigarettes tabac, absents de la vapeur des e-cigarettes, mais agissant parallèlement à la nicotine est-elle désormais régulièrement évoquée, mais l’importance de la vitesse de propagation de la nicotine et de sa faculté à satisfaire rapidement le « craving » participe de façon désormais reconnue à l’amplitude du phénomène de dépendance. Or la nicotine délivrée par la vape se diffuse très sensiblement moins rapidement qu’avec la fumée du tabac, d’où un risque de dépendance d’une magnitude vraisemblablement peu comparable.

De plus, si vous évoquez bien au point 6 (« Est-ce que la cigarette électronique est efficace pour arrêter de fumer ? ») la possibilité pour la vape de permettre à des fumeurs de réduire leur consommation, vous n’évoquez curieusement nulle part cet objectif ultime – que nous comprenons et partageons – d’arrêt total du tabac, que la vape permet pourtant d’atteindre. Les données de l’INPES, rappelées par ailleurs quelques lignes plus bas, montrent en effet qu’en 2014 on estimait déjà à 400 000 le nombre de personnes ayant totalement renoncé au tabac grâce à la vape. Si la réduction du nombre de cigarettes fumées réduit dans l’absolu les risques ainsi que vous l’évoquez, la notion de réduction des risques par l’usage de la vape porte beaucoup plus loin puisqu’il est établi désormais que la cigarette électronique permet dans de nombreux cas une diminution beaucoup plus drastique de ceux-ci par un arrêt total du tabagisme.

Nous vous invitons également à prendre plus amplement connaissance des résultats de la dernière étude Paris Sans Tabac menée sous l’égide du Professeur Bertrand Dautzenberg, présentés lors du sommet de la vape le 9 mai et qui confirment les premières données obtenues lors des études précédentes : l’utilisation de la cigarette électronique par des non-fumeurs demeure marginale en comparaison de l’usage qu’en font les fumeurs, et se fait alors le plus souvent avec des e-liquides non nicotinés. Nous parlons bien ici d’un véritable usage et non d’un essai de simple curiosité et sans lendemain. La vape apparaît donc non seulement plutôt comme un retardateur de l’entrée dans le tabagisme chez ceux qui débutent par son canal, mais surtout comme un outil beaucoup plus massivement utilisé pour sortir de celui-ci. Ces conclusions viennent par ailleurs d’être confirmées par la publication le 25 mai dans le BEH des résultats des études portant sur la cohorte Constances indiquant qu’aucun des vapoteurs exclusifs non fumeurs de la cohorte en 2013 n’était devenu fumeur en 2014. La cigarette électronique peut donc être non seulement susceptible d’aider les fumeurs à arrêter mais aussi d’éviter aux non fumeurs de commencer.

Il nous semble enfin, sans entrer dans les détails, que la page questions / réponses que vous consacrez au sujet mériterait grandement une mise à jour sérieuse et profonde, tenant compte tant des conclusions auxquelles vous parvenez sur votre autre page que des propositions que nous vous présentons aujourd’hui. Plusieurs points en effet dénotent une rédaction ancienne (« apparence de la cigarette tabac ») ce qui obère sensiblement sa crédibilité au regard de l’évolution des connaissances et du discours scientifique sur la vape à ce jour. http://www.tabac-info-service.fr/Vos-questions-Nos-reponses/Cigarette-electronique.

Nous nous proposons bien volontiers et si vous le souhaitez de vous faire bénéficier de l’expérience que nous avons accumulée au cours de ces dernières années dans la connaissance de l’outil-vape, des bonnes pratiques relatives à son usage, et de ses utilisateurs. Nous nous tenons donc à votre disposition pour échanger sur cet univers qui apparaît chaque jour un peu plus riche de potentialités en matière de lutte contre le tabagisme.

Nous espérons enfin que vous réserverez le meilleur accueil à notre démarche qui vise principalement à attirer votre attention sur les conséquences fâcheuses que pourraient avoir en matière de santé publique la persistance et le dissémination d’informations exagérément anxiogènes qui écarteraient d’emblée chez les candidats au sevrage l’une des solutions efficaces qui s’offre encore aujourd’hui à eux.

En vous remerciant donc de l’attention que vous lui porterez,
Lettre ouverte à Tabac Info Service
Nous vous prions de croire, Messieurs, en l’assurance de notre parfaite considération.

Pour l’AIDUCE,
Brice Lepoutre

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10 commentaires sur “Lettre ouverte à Tabac Info Service
  1. Richard dit :

    Ben moi, quand je lis ça… je reste sceptique sur leur correctif…. :

    Je cite :

    «  » »Question : La cigarette électronique qu en pensez vous? Puis je arreter de fumer avec elle

    Réponse :

    Bonjour,

    Merci pour votre question.

    La cigarette électronique est un produit industriel, ce n’est pas un médicament. On ne connaît pas encore les dangers de son utilisation et il n’est pas encore démontré qu’elle est efficace pour arrêter de fumer.

    Pour un arrêt sans aucun risque pour votre santé, mieux vaut-vous diriger vers une méthode qui a montré des résultats :

    des substituts nicotiniques adaptés à votre situation (gommes, patchs, pastilles, etc.),
    des techniques d’entretien pour mieux comprendre votre tabagisme (on parle de « psychothérapie cognitive et comportementale »).
    Si vous voulez tout de même utiliser la cigarette électronique, elle reste a priori moins dangereuse que le tabac. Mais il faut voir son utilisation comme une étape de votre arrêt. Surtout ne prenez pas l’habitude de vapoter sur du long terme.

    Pour trouver la méthode la plus adaptée à votre cas, vous pouvez consulter un tabacologue près de chez vous en utilisant l’annuaire des consultations de tabacologie, ou bénéficier d’un accompagnement personnalisé et gratuit par un tabacologue au 39 89.

    Bonne continuation dans votre arrêt.

    Cordialement,
    L’équipe Tabac Info service. » » »

    J’espère qu’ils vont modifier ce texte, qui a mon avis, risque d’en inquiéter plus d’un.

  2. Aime-Ti dit :

    Merci beaucoup pour cette mise au point.
    Dans tous les cas, le sevrage tabagique est hyper difficile. Tabac info service ne peut dons pas se priver de l’outil qui a eu les meilleurs résultats depuis toujours.
    De plus, si on rajoute un coaching et un encouragement médical complémentaire pendant le sevrage avec vaporisateur, je suis persuadé qu’on augmentera de manière très significative le taux de sevrage total et définitif réussi.
    Or, Tabac-Info-Service a de très bons outils de coaching et des moyens financiers conséquents.
    Avant l’ecig, j’avais essayé au moins 10 fois les patchs ses 25 dernières années, mais j’ai toujours rechuté. Le plus dur n’est pas d’arrêter, le plus dur est de ne pas recommencer. En cas d’envie, la vapoteuse me calme rapidement, même avec un taux de nicotine divisé par 4 en 2 ans. C’est sa force.
    Bonne vape

  3. Randall (@unairneuf) dit :

    Vous écrivez : « L’évolution des connaissances sur le mode opératoire de la nicotine en tant que source de dépendance devrait amener à nuancer les propos tenus sur votre page ou à faire du moins un plus large emploi du conditionnel. [..} l’importance de la vitesse de propagation de la nicotine et de sa faculté à satisfaire rapidement le « craving » participe de façon désormais reconnue à l’amplitude du phénomène de dépendance. Or la nicotine délivrée par la vape se diffuse très sensiblement moins rapidement qu’avec la fumée du tabac, d’où un risque de dépendance d’une magnitude vraisemblablement peu comparable. »

    Je ne partage pas cette vision biochimique de la dépendance. L’on sait très bien que la qualité du HIT est essentielle dans la consommation et l’on n’en fait pas état ici. La dépendance est d’abord à celle de sensations éprouvées lors de l’inhalation : cela relève du comportemental.

    En outre, dès lors que l’on considère le cas des jeunes naïfs de tabagisme et que l’on constate qu’ils ne deviennent pas dépendants au vapotage, on peut mettre en cause le caractère (systématiquement) addictogène de la nicotine. Ces jeunes « naïfs » n’ont pas à soulager un « craving » inexistant !

    Qu’il me soit permis d’alerter l’AIDUCE contre une vision faisant la part belle à la dimension bio-pharmacologique d’un phénomène au détriment de ses autres composantes, beaucoup plus essentielles : sociales, sensorielles, comportementales, psychologiques, etc. C’est faire le jeu des vendeurs de pseudo-remèdes.

  4. Yamede dit :

    Lettre pleine de mesure et qui pourtant fait tout a fait mouche. Felicitations a l’AIDUCE. Je trouve que la communication (le style) s’est enormement ameliore ces dernieres annees, bravo!

  5. pierre lavergne dit :

    ca m’etonnerait qu’il y en ait une ou alors elle sera sans aucune avancee,car tabac info service appartient a une societe pharmaceutique donc ils prefereront vanter les substituts vendus en pharmacie completement inefficaces mais tellement plus rémunérateurs!

  6. rouzaud dit :

    je partage pleinement les propos tenus dans cette lettre et rappelle que nous sommes tous des acteurs de santé publique dont le premier but est d’aider les fumeurs à arrêter complètement de fumer.Tabac Info Service fait en la matière un travail considérable et apprécié de nos patients fumeurs ,merci de l’aide qu’ils nous apportent et merci aussi au nouveau venu E-cig qui a repêché de nombreux fumeurs qu’on n’avait pas vus ou qui nous avaient tenu en échec

  7. Patrick Favrel dit :

    Suis intervenu au Séminaire du RESPADD Tabac & Cannabis 2.0 sur ce sujet.
    Une réelle actualisation des informations serait le minimum.
    Reste un sujet d’accompagnement nulle part évoqué : les vapo-fumeurs.
    Existe t-il une démarche auprès de ces personnes capables de les aider à basculer pleinement dans la vape.
    J’en doute. Cela nécessiterait dans leur staff une connaissance suffisante pour faire le check du matériel utilisé, des e-liquids, etc…Conduire une analyse partagé des temps de consommation.

    Pat

    • Randall (@unairneuf) dit :

      C’est toute la question d’une politique de réduction du risque versus la menace – d’extrémistes – « quit or die ». Historiquement l’on sait que la RDR a abouti à de bons résultats : sida, opiacés, etc.
      La réduction du risque a besoin de temps pour faire son effet, un temps subjectif (dépendant de chacun, de son histoire, etc.). Quand on est prêt à prendre le train, cela se fait tout seul (enfin : son inconscient fait le travail) ; la prévalence du tabagisme baisse avec l’âge. Soyons raisonnablement optimistes et d’abord permettons à ceux qui veulent vapoter de pouvoir continuer à le faire : ce n’est pas acquis (cf. réglementation) !

  8. fraise00 dit :

    Y aura t il une réponse?

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