Gilbert Lagrue, dans la revue Science… et pseudo-sciences, recommande une collaboration plus étroite entre les usagers de la cigarette électronique et le corps médical et remarque le rôle positif de l’Aiduce dans l’information sur le produit.
Il décrit comme rarement les faits concernant la cigarette électronique de la voix d’un soignant sensible et attentif à ses patients.
“D’ores et déjà, l’intérêt est majeur : cette découverte, qui n’a été l’œuvre ni des médecins tabacologues, ni de l’industrie pharmaceutique, ni des pharmacologues, peut être considérée comme un des événements les plus importants dans l’histoire récente du traitement de la dépendance tabagique.”
Point de vue
par Gilbert Lagrue – SPS n° 311, janvier 2015
La cigarette électronique est arrivée sur le devant de la scène de façon rapide et surprenante. Dix ans seulement après les premières productions en Chine, son usage s’est étendu comme une traînée de poudre dans le monde entier, sans aucune publicité, uniquement par le bouche-à-oreille.
Ce succès éclatant est un argument à retenir en faveur de son efficacité réelle[1]. Elle est actuellement l’objet de débats passionnés et trop souvent passionnels. Son statut reste très ambigu et variable d’un pays à l’autre, allant de l’interdiction totale à la vente entièrement libre[2]. En France, la e-cigarette est en vente libre, sauf pour les mineurs. Il n’y a pas d’interdiction dans les lieux publics. Elle n’est considérée ni comme un dispositif médical ni comme un médicament, selon un avis de 2011 de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM), si elle n’est pas revendiquée par ses vendeurs comme un produit de sevrage tabagique, si le taux et la quantité de nicotine ne dépassent pas respectivement les seuils de 20 mg/ml et 10 mg. Cette cigarette électronique relève alors de la “réglementation sur la sécurité générale des produits mis à disposition du public” et ne peut pas être vendue en pharmacie. Ce n’est pas un dérivé du tabac et elle n’a de cigarette que le nom ; elle n’est pas non plus considérée, donc, comme un médicament, bien qu’elle contienne dans la plupart des cas de la nicotine, comme d’ailleurs toutes les formes de tabac qui sont en vente libre chez tous les buralistes.
Les études sur ce thème se multiplient ; en consultant Pubmed, dans l’année 2013, on trouve près de cent références scientifiques. Certes, on manque encore d’un recul suffisant pour bien apprécier son efficacité réelle et son innocuité, mais dès maintenant, les études déjà publiées sont convaincantes sur les premiers mois d’utilisation [1] ; sur les forums Internet des utilisateurs ou “vapoteurs”, les témoignages sont impressionnants pour les tabacologues de terrain. Beaucoup de fumeurs, qui étaient en situation d’échec, réussissent à arrêter leur consommation de tabac ou du moins à en réduire très nettement l’importance ; le bénéfice est alors indiscutable, car les risques de l’e-cigarette à court terme sont, de toute évidence, nettement inférieurs à ceux de la cigarette-tabac : en effet, les liquides utilisés dans les cigarettes électroniques et la vapeur produite n’apportent aux fumeurs aucun des innombrables produits nocifs de la fumée de tabac ; le monoxyde de carbone et les goudrons sont absents et d’autres produits sont, eux, en quantités extrêmement réduites. Les premiers travaux réalisés [1] montrent indiscutablement l’innocuité à court terme de la vapeur produite : sur culture de cellules in vitro, aucun effet toxique n’a été mis en évidence ; de même in vivo chez l’homme, l’inhalation de la vapeur n’a été suivie d’aucune altération des fonctions respiratoires ou de la circulation coronaire, contrairement à ce qui est constaté avec la fumée de la cigarette.
Certes, la cigarette électronique apporte de la nicotine, mais celle-ci est utile pour obtenir l’arrêt du tabac dès que la dépendance est importante ; de plus, la nicotine seule est pratiquement dénuée de tout risque, si l’on respecte certaines contre-indications cardio-vasculaires. La nicotine reste évidemment une drogue qui accroche autant que l’héroïne, mais elle aurait d’autre part des effets favorables sur certaines fonctions cérébrales et sur le vieillissement cognitif [2]. Beaucoup de “vapoteurs” continuent à l’utiliser pendant des mois, voire des années : le principal est d’interrompre leur tabagisme, s’ils n’y arrivent pas autrement.
Il en est de même, dans mon expérience personnelle : certains ex-fumeurs, qui ont continué à consommer au long cours des substituts nicotiniques comme les gommes, les pastilles ou l’inhaleur, parfois pendant plusieurs années, n’ont pas refumé et c’est là l’essentiel. De plus, la tolérance de l’administration de la nicotine au long cours n’a entraîné aucun trouble.
Ainsi, à court terme, les résultats obtenus par l’e-cigarette apparaissent au moins égaux sinon supérieurs à ceux des substituts nicotiniques, pour des apports nicotiniques comparables. La raison en est, d’une part, l’absorption de la nicotine par les muqueuses buccales et surtout par les alvéoles pulmonaires, très rapide (ainsi avec l’e-cigarette, le sujet retrouve tous les effets psychoactifs de la cigarette-tabac) et d’autre part, la conservation de la gestuelle et la présence des arômes, tels les goûts “tabac, fruits divers…”, c’est-à-dire tous les éléments de la dépendance psycho-comportementale n’existant pas dans les médications nicotiniques qui compensent seulement la dépendance physique, c’est-à-dire les sensations de manque et de besoin : apparemment simple, mais nul n’y avait pensé !Comment l’utiliser ?
Dans l’état actuel de nos connaissances, quelle attitude pratique le médecin doit-il adopter ? Devant une demande d’aide à l’arrêt du tabac, la seule décision responsable est d’utiliser les approches validées qui ont fait la preuve de leur efficacité : des médications (buproprion, varénicline) et surtout les diverses formes de substituts nicotiniques, dont les modalités d’utilisation sont bien précises maintenant : adaptation des doses et prolongation du traitement, en fonction des résultats initiaux obtenus et prise en charge simultanée d’éventuels troubles psychologiques.
La cigarette électronique ne doit donc pas être proposée en première intention, car ses effets à long terme ne sont pas encore connus, ce qui n’est pas le cas des substituts nicotiniques. Mais pour les fumeurs qui n’ont pas réussi à arrêter ou pour lesquels la motivation à l’arrêt est encore insuffisante, le “noyau dur” des fumeurs, le recours à l’e-cigarette est justifié, en associant éventuellement les substituts nicotiniques, pour obtenir un arrêt complet et total et pour éviter la reprise de la cigarette. Actuellement, la majorité des “vapoteurs” a commencé sur une décision personnelle, souvent à l’exemple de parents ou d’amis, avec la seule aide des vendeurs dans les boutiques spécialisées. La dose de nicotine est alors proposée en fonction du nombre de cigarettes fumées, ce qui est évidemment imprécis et peut être un facteur d’échec : parfois, il y a un surdosage avec nausées, palpitations ; le plus souvent, les apports en nicotine sont insuffisants avec persistance des envies de fumer…Les tabacologues disposent d’une nouvelle arme
Pour les tabacologues, l’arrivée de la cigarette électronique a constitué un événement tout à fait inattendu, à un moment où, en matière de sevrage tabagique, il n’y avait plus de progrès décisifs. Les constatations empiriques faites par les usagers sont très instructives, comme le montrent les communiqués de leur association l’“AIDUCE” ; celle-ci, bien structurée, informe et guide ses adhérents. Il serait intéressant qu’une collaboration puisse s’établir entre cette association d’usagers et le corps médical. Mais la plupart des médecins sont encore sceptiques, car ils ont été déçus tant de fois en ce domaine : dans l’enquête trouvée sur “Medisite”[3], 30 % d’entre eux seulement se disent convaincus de l’efficacité. Les tabacologues sont, eux, très intéressés et commencent à l’utiliser, à la suite des travaux de J.F. Etter [3] ; pour lui, la cigarette électronique apporte un bénéfice indiscutable pour la Santé Publique. En 2013, selon les chiffres de l’Office Français des drogues et toxicomanies, la diminution réelle des ventes de cigarettes en France est de 7,9 %, la plus importante depuis des années, ce qui constitue un argument sérieux. Mais les conséquences sont également majeures pour les finances publiques, entraînant une diminution des recettes, puisqu’il y a 80 % de taxes sur les cigarettes et seulement 20 % environ pour la cigarette électronique ! Ceci va avoir évidemment des conséquences dans la discussion des conditions de vente de la CE, car il faudra aussi considérer le bénéfice à long terme pour la Santé Publique. Mais c’est une autre histoire…
Aux États-Unis, l’American Association for Public Health souligne que la cigarette électronique donne “la possibilité de sauver la vie de 4 millions des 8 millions de fumeurs réguliers qui risquent de mourir de maladies liées au tabac dans les vingt années à venir” !
Pour les médecins, au plan pratique, on peut donc considérer que la cigarette électronique est d’ores et déjà une arme supplémentaire dans l’arsenal de la lutte contre ce fléau, la cigarette, responsable à elle seule de plus de 200 morts par jour en France et d’innombrables maladies, à l’origine de souffrances et d’une perte de qualité de vie ; elle apporte surtout un espoir pour ces nombreux “gros” fumeurs dont la motivation à l’arrêt est encore faible et qui n’arrivent pas à se libérer de leur “drogue”. Certes, l’objectif essentiel reste évidemment l’arrêt du tabac et des cigarettes sous toutes les formes, mais notre rôle de médecin est de réduire les risques de maladies et de morts précoces.
Pour l’avenir, l’essentiel sera d’étudier la place réelle de l’e-cigarette en fonction de ses effets à moyen et long terme, afin de bien préciser sa toxicité éventuelle et d’établir le rapport bénéfice-risque.
D’ores et déjà, l’intérêt est majeur : cette découverte, qui n’a été l’œuvre ni des médecins tabacologues, ni de l’industrie pharmaceutique, ni des pharmacologues, peut être considérée comme un des événements les plus importants dans l’histoire récente du traitement de la dépendance tabagique.
L’organisation mondiale de la santé (OMS) vient de prendre récemment position sur l’e-cigarette avec les recommandations suivantes :
- interdire la vente aux mineurs, ce qui existe déjà en France depuis mars 2014 ;
- rappeler la contre-indication absolue pour la femme enceinte, car la nicotine provenant de la e-cigarette, celle du tabac ou de médications nicotiniques, modifie dramatiquement le développement de certaines zones du cerveau chez le fœtus, l’enfant et l’adolescent ;
- interdire l’utilisation dans tous les lieux publics.
Les commentaires suivants peuvent être faits : l’interdiction de l’utilisation par les mineurs et dans les lieux publics a pour but de supprimer l’image de la cigarette dans la société et donc le risque d’entretenir l’usage ultérieur de la cigarette, ce qui semble une précaution à vrai dire très théorique.
À l’opposé, en mars 2014, pour un groupe d’experts internationaux, l’utilisation de l’e-cigarette doit être encouragée, car elle constitue un des progrès les plus importants en matière de Santé Publique de ces dernières années. Il rappelait que dans le monde, on prévoit pour le XXIe siècle une mortalité globale de un milliard de décès prématurés liés au tabac et donc évitables.Références
[1] C. Bullen : E-cigarettes for smoking cessation : a randomized control trial. The Lancet 2013 ; 282 : 1629-32 ; R.West, J.Brown : electronic cigarettes : fact and faction. Br. J. Gen. Pract. 2014 ; 626 : 442-443.
[2] J. M. Rusted : “Positive effects of nicotine on cognition”. Psychopharmacology. 2009 ; 202 :93-102.
[3] J.F. Etter : La vérité sur la cigarette électronique. Fayard. 2013. Cet ouvrage comporte également une bibliographie exhaustive.À lire aussi
B. Dautzenberg : L’e-cigarette. Pour en finir avec le tabac. Ivelles Edit. 2014.
Ph. Presles : La cigarette électronique. Enfin la méthode pour arrêter de fumer facilement. Vérisilio édit. 2013.Source : http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2456
Si les médecins commencent à en parler, ça peut jouer un rôle bénéfique dans les législations à venir. Maintenant, l’état est directement intéressé par les revenus du tabac, donc ça va être difficile de faire passer la santé au premier plan.
Bonjour, une très bonne initiative de Mr Lagrue, mais rien n’y fait, la loi « evin » passe a la trappe sur la publicité pour l’alcool, et bientôt le tabac ? Décidément la panique met notre santé au second plan. Aiduce we are.